Texte: Katerine Thériault
Interprétation: Laura Côté-Hallé

Lorsqu’il n’y en aura plus 

Par Katerine Thériault

J’aurais envie de te demander, grand-mère,

Que ferons-nous lorsqu’il n’y en aura plus ?

Comment saurons-nous distinguer le bleu du gris, s’il n’y a plus de raison de lever les yeux ?

Qu’est-ce qui nous inspirera l’audace de tous ces autres possibles ?

Qu’est-ce qui nous rappellera l’humilité de la marche, la lenteur de la terre ?

Comment sentirons-nous la force de l’Invisible sur nos peaux ?

De quoi rêverons-nous pour les siècles à venir ?

Qu’est-ce qui nous empêchera de baver sur nos fantasmes de feu et de trous ?

Qui fera la collection des cages inutiles ?

Qui réclamera ce qui est tout en haut et qui n’a pas de forme ?

Qui trouvera le courage d’écrire des chants nouveaux et imprévisibles ?

Aurons-nous la force d’écouter le silence de ce qui était vivant ?

Parlerons-nous à voix basse tous les jours dans l’espoir d’entendre un son infime et brillant ?

Saurons-nous encore inventer les machines ?

Saurons-nous encore inventer le fragile ?

Aurons-nous l’impression d’avoir visité tous les endroits ?

Nos maisons tant soignées, tant protégées paraîtront-elles plus vides ?

Commencerons-nous à dormir sous le ciel et à lever nos visages et nos bras et nos jambes vers lui ?

Car de quoi rêverons-nous pour les siècles à venir ?

Et que ferons-nous, grand-mère, lorsqu’il n’y en aura plus ?